Rapport d’audience sur le Projet de loi 21

Rapport d’audience sur le Projet de loi 21 :

La Cour d’appel entend la contestation constitutionnelle de la Loi sur la laïcité de l’État du Québec

par Vivian Clemence*

[Read the English version here].

Les 7, 10 et 16 novembre 2022, la Cour d’appel du Québec a entendu la contestation constitutionnelle de la loi provinciale sur la laïcité, le projet de loi 21 (ci-après, la Loi 21). Comme rapporté précédemment, l’Alliance des chrétiens en droit (« Christian Legal Fellowship ») a été autorisée à intervenir dans le litige. En mars 2022, l’ACD a déposé son mémoire auprès de la Cour d’appel, et en novembre 2022, l’ACD a déposé son Plan de plaidoirie (« Outline »), accessible ici :

Pendant cinq jours, l’audience s’est déroulée avec les observations des quatre appelants, de l’intimé (le Procureur général du Québec) et des sept intervenants sur les dix thèmes établis par le panel de trois juges (ci-après, la Cour)[1].

La décision en appel devant la Cour fut celle rendue en avril 2021 par le juge Blanchard de la Cour supérieure du Québec. Le juge Blanchard a conclu que la clause nonobstant protégeait une grande partie de la Loi 21 d’un examen fondé sur la Charte et a donc largement maintenu la loi sur cette base (à quelques exceptions près). Cependant, il a exprimé de profondes réserves au sujet de la législation. Cliquez ici pour consulter l’analyse de l’ACD de la décision du juge Blanchard sur la Loi 21.

L’objectif de ce rapport est de donner un aperçu de haut niveau, non exhaustif, de certains des principaux arguments présentés à la Cour en ce qui concerne la liberté de religion au Canada. Il ne s’agit pas d’un compte-rendu officiel ni d’une transcription du procès[2]. Outre les thèmes explorés ci-dessous, la Cour a entendu un certain nombre d’autres arguments fondés sur la Charte et la Constitution, notamment ceux liés aux droits des minorités linguistiques en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne, au droit à l’éligibilité aux élections provinciales en vertu de l’article 3 de la Charte canadienne (y compris la question du privilège parlementaire), ainsi qu’à l’architecture constitutionnelle du Canada et aux principes constitutionnels non écrits.

La portée de la clause dérogatoire de la Charte

En adoptant la Loi 21, le gouvernement du Québec a invoqué les clauses dérogatoires des chartes canadienne (art. 33) et québécoise (art. 52) qui permettent à une loi de s’appliquer « indépendamment » du fait qu’elle viole potentiellement certains droits garantis sous la Charte, notamment la liberté de religion et le droit à l’égalité sans discrimination fondée sur la religion.

Les parties opposées à la Loi 21 ont fait valoir qu’une loi doit toujours avoir un objectif légitime pour que le gouvernement puisse invoquer la clause dérogatoire, et que l’utilisation de celle-ci doit toujours être sujette au contrôle judiciaire.

Ils ont affirmé que le juge du tribunal inférieur a commis une erreur en appliquant la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1988 dans l’affaire Ford c Québec (Procureur général)[3] (Ford) pour conclure que les droits prévus aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte peuvent être « mis en veilleuse » à la seule condition que le recours à la clause dérogatoire soit « expressément déclaré »[4]. Le tribunal inférieur a conclu que, dans les cas où l’article 33 est invoqué, le rôle du judiciaire se limite à déterminer si cette condition formelle a été remplie.

Les appelants ont soutenu que l’arrêt Ford ne permet pas de conclure qu’un tribunal ne peut jamais juger invalide l’utilisation de la clause dérogatoire. Si l’on conclut autrement, comme l’a fait le tribunal inférieur, cela reviendrait à compromettre le pouvoir de la Cour supérieure, en vertu de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, de « […] réviser l’exercice des pouvoirs publics afin de s’assurer que cet exercice soit conforme à la loi et que les citoyens soient protégés contre l’arbitraire de l’État » (nous soulignons)[5].

La Cour a ensuite posé cette question au Procureur général, notamment en demandant, si nous acceptons la proposition que l’article 33 a des exigences purement formelles pour son invocation, cela ne remet-il pas en question sa constitutionnalité par rapport à l’article 96 ? Le Procureur général a répondu que le libellé de la clause nonobstant est « incontournable ».

Les parties opposées à la Loi 21 ont fait valoir que cette interprétation de la portée de la clause dérogatoire—à savoir qu’un tribunal ne peut jamais examiner l’objectif d’une loi lorsque l’article 33 est invoqué—crée une incohérence flagrante dans la Charte, où les individus ont des droits fondamentaux sur papier, mais où l’État peut les usurper n’importe quand et n’importe comment, à l’abri de tout examen judiciaire, sur la base de l’article 33. En fait, cela permettrait au législateur d’invoquer l’article 33 afin d’adopter une loi qui révoque les droits fondamentaux, tout simplement parce que tel est l’objectif poursuivi. Ils ont fait valoir que c'est ce que fait effectivement la Loi 21, et que maintenir cette loi sur la base de l’article 33 revient à neutraliser la primauté du droit.

Ils ont demandé à la Cour d’interpréter la Loi 21 à la lumière de la Charte[6] afin de conclure que l’objet de cette loi est de révoquer les droits fondamentaux en légiférant le retrait complet de la religion de la sphère publique, ce qui est inacceptable dans une société libre et démocratique.

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) a ensuite fait valoir qu’il n’existe aucun droit constitutionnel de pratiquer sa religion dans l’exercice de ses fonctions dans le secteur public.

Le Procureur général a maintenu que l’application de Ford par le tribunal inférieur est la seule possible et que le principe du stare decisis oblige la Cour à suivre Ford comme l’a fait le tribunal inférieur. Il a soutenu que l’article 33 vise à donner le « dernier mot » au législateur.

Violation des droits fondamentaux et le rôle du judiciaire lorsque l’article 33 est invoqué

Les appelants ont fait valoir que, quelle que soit la conclusion de la Cour sur ce qui précède, le judiciaire devrait toujours trancher la question à déterminer si un droit garanti par la Charte a été violé et, le cas échéant, rendre un jugement déclaratoire.

Ils ont cité la jurisprudence de la Cour suprême pour le principe selon lequel, bien que les tribunaux ne puissent pas invalider une loi par effet de la clause dérogatoire, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’ils sont dispensés d’examiner les demandes fondées sur les droits visés[7]. La Cour suprême a aussi dit que si les personnes ne peuvent pas saisir les tribunaux de leurs droits, la primauté du droit devient inexistante[8].

La Cour a demandé s'il était vraiment nécessaire de se prononcer sur la violation des droits lorsque la loi contestée continuera en vigueur de toute façon en vertu de l’article 33. Une avocate de la partie appelante a répondu que refuser de statuer sur ces droits revient à refuser aux titulaires de droits l’accès aux tribunaux—gardiens de la primauté du droit—et que tous ont le droit de connaître les effets de cette loi sur les droits fondamentaux[9].

La Cour s’est demandé si l’on pouvait dire que Ford permet à une législature d’invoquer l’article 33 comme si les droits sous la Charte que cette disposition vise n’existaient pas. L’avocat a répondu que selon le sens ordinaire du texte, l’objectif de la clause dérogatoire est d’assurer qu’une loi demeure en vigueur. Il n’y a aucune mention de l’existence continue des droits énumérés ni de l’article 1 de la Charte. L’article 33 n’empêche aucunement les tribunaux de déterminer s’il y a eu violation d’un droit, et il ne libère non plus le législateur de son fardeau de justifier les violations des droits. Il permet simplement à une loi de continuer à avoir effet, pour une période déterminée, malgré ces violations.

D’autre part, le MLQ a maintenu que le devoir de neutralité de l’État exige que le gouvernement du Québec adopte des règles de conduite que ses intermédiaires doivent suivre, afin que la neutralité soit atteinte par l’entremise de ses représentants, en citant Saguenay[10]. L’avocat a maintenu que le devoir de neutralité de l’État « n’entraîne pas une conciliation des droits » parce que les représentants de l’État « n’ont pas le droit d’user des pouvoirs publics de façon à professer leur croyance »[11] et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de se tourner vers l’article 1 pour la justification.

En fait, le Procureur général n’a produit aucune preuve portant sur l’article premier vis-à-vis de l’ensemble des droits garantis par la Charte revendiqués dans cette affaire.

Le MLQ s’est aussi penché sur la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle « en empêchant le port d’un signe religieux pour des personnes dont l’exercice de leur religion requiert une certaine orthopraxie, on se trouve à leur nier l’un de fondement même de leur être »[12]. Le MLQ a fait valoir que l’État ne peut garantir l’orthopraxie aux fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions, leurs signes religieux étant « l’objet de leurs croyances »[13]. Selon le MLQ, l’article 2(a) n’est pas activé en l’espèce[14].

Le MLQ a également argumenté que les tribunaux devraient éviter d’interpréter le contenu d'une croyance subjective[15]. La Cour a demandé si cela empêche également le législateur de se pencher sur la question, et le MLQ a répondu que le législateur a adopté la Loi 21 en vertu de son devoir de neutralité de l’État.

À ce sujet, les appelants ont répondu en citant Saguenay pour faire valoir que la neutralité de l’État est exigée des établissements et de l’État, et non des individus[16]. De plus, ils ont fait valoir que Saguenay concernait les actions positives de représentants de l’État qui encourageaient et/ou faisaient pression sur autrui pour participer à une activité religieuse ; cela ne s’applique pas dans le contexte du simple port d’un symbole religieux.

Lois pré-Charte et préconfédératives et l’article 31 de la Charte

Les parties opposées à la Loi 21, dont l’ACD, ont fait valoir qu’il existe certaines limites constitutionnelles à l’autorité législative provinciale en matière de liberté de religion, en se fondant sur certaines lois antérieures à la Charte, comme l’Acte de Québec de 1774, la Hart Act (1832) et la Loi de 1852.

Le Procureur général a fait valoir qu’il s’agit de lois provinciales ordinaires qui n’ont aucun statut supralégislatif, comme l’a conclu le juge du tribunal inférieur[17]. Il a maintenu qu’il serait incohérent de conclure autrement alors que les rédacteurs de la Constitution (1) n’ont pas incorporé ces lois dans la définition de notre constitution sous l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 ; et (2) ont intentionnellement incorporé, dans notre Constitution, une charte qui accorde le droit à la liberté de religion, sous réserve de dérogation en vertu de l'article 33.

Les parties opposées à la Loi 21 ont maintenu que ces lois reconnaissent et garantissent l’égalité de toutes les personnes à exercer librement leur religion. Ils ont fait valoir que ces lois font partie de la Constitution canadienne—en soulignant le fait que l’art. 52 ne constitue pas une liste exhaustive des documents constitutionnels[18]—et qu’elles demeurent en vigueur à ce jour. Par conséquent, certains aspects[19] de la liberté de religion ne peuvent être éteints par une loi provinciale ordinaire ni par l’utilisation de la clause nonobstant de la Charte, aujourd’hui.

La Cour a demandé si l’alinéa 2(a) de la Charte supplante la garantie constitutionnelle de la liberté de religion telle qu’elle existe dans ces lois antérieures à la Charte (note : il s’agit d’une question que l’ACD a abordée au début de son mémoire, aux paragraphes 3–5[20]).

La Cour a également demandé si les arguments des appelants font fi de l’intention apparente, en vertu de la Charte, de permettre aux législatures de passer outre à l’al. 2(a) (liberté de religion) en invoquant l’art. 33. Les avocates at avocats des appelants et de la World Sikh Organization ont exhorté la Cour contre une conception de la Charte comme étant le seul instrument de protection des droits et libertés au Canada[21]. Ils ont maintenu que la Charte ne peut être considérée comme écartant ces autres lois sans un libellé clair à cet effet, et qu’il reste donc qu’elles existent en parallèle à la Charte et qu’elles ne sont éteintes par nulle partie de celle-ci.

La Cour a également demandé comment elle devait interpréter l’article 26 de la Charte, qui se lit comme suit : « Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne constitue pas une négation des autres droits ou libertés qui existent au Canada » (nous soulignons). La Cour a demandé si le mot « autre » fait référence uniquement à des droits et libertés de nature différente, ou plutôt à des droits et libertés provenant d’une source différente. Les avocates at avocats ont maintenu que la Cour devrait favoriser cette dernière interprétation.

L’ACD a été invitée à faire des observations orales à la Cour sur l’article 31 de la Charte, qui stipule ce qui suit : « La présente charte n’élargit pas les compétences législatives de quelque organisme ou autorité que ce soit ». Voir le Plan de plaidoirie de l’ACD, ci-dessus.

Avocat-plaidant de l’ACD, Robert Reynolds (à gauche) et Directeur général de l’ACD, Derek Ross (à droite) à la Cour lors de l'audience sur la Loi 21.

Avocat montréalais, Robert Reynolds, a représenté l’ACD dans cet appel, et il a expliqué dans ses observations orales que l’article 31 est pertinent en l’espèce de deux façons :

  1. Premièrement, le texte de l’article 31 s’applique évidemment à toutes les autres parties de la Charte, y compris l’article 33, et limite leur application.

  2. Deuxièmement, aucun gouvernement ne peut invoquer la Charte pour étendre sa compétence législative au-delà de ce qu’elle était avant la Charte ; ni pour passer outre au partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux accordé par les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, ni pour promulguer une loi qu’il n’avait pas le pouvoir d’adopter avant l’introduction de la Charte.

En ce qui concerne le premier point, l’ACD a soutenu que le libellé de l’article 31 est clair et non-ambigu, tant selon le sens ordinaire du texte que selon une analyse contextuelle de celui-ci. La Cour suprême a déclaré que l’objectif de la Charte est de limiter, et non d’étendre, le pouvoir législatif[22], et que la Charte « n’autorise pas en soi le gouvernement à agir »[23].

Sur le deuxième point, l’ACD a maintenu que la Loi 21 serait inconstitutionnelle en 1982 et qu’elle le demeure aujourd’hui en vertu de l’article 31. En particulier, deux limites constitutionnelles existaient avant l’adoption de la Charte : (1) les provinces n’avaient pas le pouvoir pour légiférer à des fins purement religieuses ; et (2) partout au Canada, les groupes confessionnels avaient le droit constitutionnel à exercer librement leur religion.

Concernant la première limite constitutionnelle, l’ACD a expliqué que l’un des objectifs de l’article 31, tel que reconnu par la Cour suprême, est de préserver le partage des pouvoirs[24]. La Loi 21 vise un objet purement religieux, comme l’a conclu à juste titre le juge du tribunal inférieur[25]. Et selon la Cour suprême, de telles questions relèvent manifestement de la compétence fédérale, et non provinciale[26].

L’ACD a ajouté que, de toute évidence, la Loi 21 porte atteinte à la liberté de certaines minorités religieuses d’exercer leur religion au Québec, qui était reconnue même avant la Charte comme un « constitutional right of all the inhabitants of this country » et une question d’intérêt national[27]. L’ACD a soutenu qu’il ne peut pas s’agir là d’une matière de nature purement locale ou privée, en soulignant les affirmations de la Cour suprême antérieures à la Charte, selon lesquelles (1) toutes les religions sont sur un pied d’égalité au Canada[28] et (2) la liberté de religion « should be included among those upon which the Parliament of Canada might legislate for the preservation of peace, order and good government » (nous soulignons)[29].

Concernant la deuxième limite constitutionnelle, l’ACD a maintenu que la Loi 21 dépasse la compétence législative provinciale établie avant la Charte. Plus précisément, la Loi de 1852 reconnait le droit au « libre exercice et la jouissance de la profession et du culte religieux, sans distinction ni préférence », comme un « principe fondamental de notre politique civile »[30]. Cet énoncé de la liberté de religion fut reconnu par la Cour suprême comme « a fundamental principle of the constitution of the entire country »[31]. L’ACD a soumis à la Cour que ce principe (la liberté de religion et l’égalité religieuse) profitait d’une protection constitutionnelle antérieure à la Charte et qu’il échappe à la compétence législative du Québec[32]. La Loi 21 constitue non seulement une violation de ce principe, mais aussi un élargissement indu de la compétence législative du Québec, ce que l’article 33 ne peut justifier en vertu de l’article 31.

La Cour a demandé à l’ACD ce que l’article 31 ajoute au débat sur le partage des pouvoirs. Me Reynolds a répondu que l’article 31 nous oblige à examiner le partage des pouvoirs en matière de liberté de religion tel qu’il existait avant la Charte : la liberté de religion étant reconnue par la Cour suprême dans Saumur comme un principe constitutionnel et une question relevant exclusivement de la compétence fédérale. Maintenant, après l’adoption de la Charte, la province de Québec a adopté une loi qu’elle n’avait pas le pouvoir d’adopter avant 1982 et qui, Reynolds a soutenu, serait déclarée inconstitutionnelle comme le règlement dans l’arrêt Saumur. Rien dans la Charte ne peut être utilisé pour modifier cette conclusion, conformément à l’article 31.

Division des pouvoirs

Les appelants ont soumis à la Cour que la Loi 21 constitue une tentative de légiférer sur le droit criminel (art. 91(27)), qui est « l'un des chefs de compétence exclusive du Parlement » étant donné qu’elle « vise à préserver l’ordre et la moralité publics »[33].

Le Procureur général a maintenu que tout effet de la Loi 21 sur la moralité est accessoire à son objet prétendument dominant et intra vires d’établir la laïcité au Québec. Les appelants ont rétorqué que, selon la Cour suprême, les lois provinciales ne peuvent affecter la moralité que si elles sont « solidement ancré[es] »[34] dans un chef de compétence provincial distinct, cela étant l’« objet dominant »[35] de la législation, ce qui n’est pas le cas ici. Ils ont soutenu que l’objet dominant de la Loi 21 est de réglementer la moralité publique. Les appelants ont ajouté que si cette loi ne relève pas du criminel, elle doit relever du pouvoir fédéral de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement (art. 91), étant donné qu’elle ne relève d’aucun autre chef de compétence provincial.

En réponse, le Procureur général a invoqué l’art. 92(13) (la propriété et les droits civils), en alléguant que la Loi 21 légifère sur les relations de travail. Toutefois, les appelants ont fait valoir que la relation d’une province avec les employés publics tombe à l’extérieur de « la propriété et les droits civils »[36].

Ensuite, le Procureur général a invoqué l’article 92(16) (les matières de nature purement locale ou privée). Les appelants, comme l’ACD, ont soutenu que la liberté de religion est évidemment une question d’importance nationale, étant reconnue par la Cour suprême « as of the greatest constitutional significance throughout the Dominion »[37]. Ils ont fait valoir que la pratique individuelle de la religion ne peut être établie par les provinces, sinon la province dans l’arrêt Saumur aurait pu tout simplement interdire la pratique de la religion des Témoins de Jéhovah. Saumur a rejeté cette notion.

Troisièmement, le Procureur général a invoqué l’art. 92(4) (création, tenure, nomination et paiement des officiers provinciaux). Les appelants ont maintenu que cette disposition concerne la notion du gouvernement responsable[38], et l’interdiction des signes religieux n’y a aucun rapport.

Quatrièmement, le Procureur général a invoqué l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les appelants ont soutenu que la Cour suprême a expliqué que l’article 45 permet aux provinces « de modifier unilatéralement certains éléments de la Constitution qui concernent leur propre ordre de gouvernement, mais qui ne mettent pas en cause les intérêts des autres ordres de gouvernement »[39]. Les appelants ont soutenu que la liberté de religion est « intangible parce qu’indivisiblement liée […] à une condition fondamentale de l’union »[40].

Enfin, le Procureur général a invoqué l’article 93A de la Loi constitutionnelle de 1867. Les appelants ont maintenu que cet article n’a rien à voir avec le fonctionnement d’un organe du gouvernement.

Le droit des femmes à pratiquer leur religion sur un pied d’égalité

Les parties opposées à la Loi 21 ont fait valoir à la Cour que l’interdiction des signes religieux prévue par la Loi 21[41] viole le droit des femmes de pratiquer leur religion sur un pied d’égalité, conformément à l’article 28 de la Charte[42]. Ils ont soutenu que, bien que l’article 33 s’applique à l’alinéa 2(a) (liberté de religion) et à l’article 15 (égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi), l’article 28 existe pour empêcher l’État de violer ces droits d’une manière qui porte préjudice à un sexe plus que l’autre[43]. Ils ont souligné la conclusion du tribunal inférieur selon laquelle l’un des objectifs de la Loi 21 est le retrait du hijab, porté par les femmes de confession musulmane[44]. En ce qui concerne les effets de la Loi 21, ils ont souligné la preuve que les femmes musulmanes font face à une augmentation de préjugés et de stigmatisation, y compris la preuve que toute personne ayant perdu leur emploi en raison de la Loi 21, à ce jour, est une femme de confession musulmane[45].

Le Procureur général a répondu que l’article 28 ne confère pas de droits, car son rôle est purement interprétatif et, par conséquent, il ne peut donner lieu à aucun recours[46]. Sur ce point, la partie opposée a signalé la décision rendue par la Cour suprême en 1994 dans l’affaire Assoc des femmes autochtones du Canada c Canada, où le tribunal inférieur avait déclaré une violation des droits en vertu de l’article 28 (et où la Cour suprême a infirmé cette conclusion en se fondant uniquement sur un manque de preuve)[47]. De plus, ils ont maintenu, la clause nonobstant ne vient pas « supprimer » les droits – elle permet simplement à la législation de demeurer en vigueur. Dans la plupart des cas, cela peut mettre fin à l’analyse, mais à proprement parler, les droits en question continuent à exister. Et lorsque la clause nonobstant nie le droit à l’exercice égal de la liberté de religion entre les sexes, l’article 28 est engagé.

Conclusion

L’ACD attend la décision de la Cour d’appel, qui est prévue en 2023. L’ACD continuera de chercher des occasions pour faire valoir la valeur fondamentale de la liberté de religion et de l’égalité religieuse partout au Canada. Comme l’ACD l’a soutenu dans son mémoire :

« La Loi 21 n’interfère pas incidemment avec la religion dans la poursuite d’un autre objectif légitime. Il réglemente la religion dans le seul but de l’effacer, du moins dans certains lieux publics. Un objectif  législatif  qui  ne  peut  être  atteint  qu’en  privant  les citoyens de leurs droits fondamentaux en matière de religion et d’égalité n’est pas un objectif légitime. La libre expression religieuse était reconnue comme une composante intégrale de la société canadienne bien avant la Charte. »

Pour en savoir plus sur le plaidoyer et l’engagement public de l’ACD sur la Loi 21, veuillez visiter : https://www.christianlegalfellowship.org/bill21.


*Conseillère juridique associée/Associate Legal Counsel, L’Alliance des chrétiens en droit/Christian Legal Fellowship. Nous remercions tout parculièrement Bob Reynolds, avocat montréalais et ancien président de l’ACD, pour sa contribution inestimable à cette intervention, et pour avoir représenté l’ACD devant la Cour d’appel du Québec dans cette affaire.

[1] Les dix thèmes énoncés par le panel de juges étaient les suivants : (1) Clauses dérogatoires ; (2) Droits fondamentaux ; (3) Article 28 de la Charte canadienne (égalité de garantie des droits pour les deux sexes) ; (4) Droits des minorités linguistiques (art. 23 de la Charte canadienne) ; (5) Droit à l’éligibilité aux élections provinciales (art. 3 de la Charte canadienne) ; (6) Recours en dommages-intérêts/demanderesses individuelles ; (7) Lois préconfédératives et pré-Charte canadienne ; (8) Architecture constitutionnelle/principes constitutionnels non écrits ; (9) Partage des compétences ; (10) Exercice de dénombrement des signes religieux.

[2] Le contenu de ce rapport est fourni à titre d’information générale seulement et n’est aucunement conçu pour fournir des conseils juridique. L’Alliance des chrétiens en droit ne peut être tenue responsable de toute erreur ou omission dans le contenu de ce rapport ni de toute mesure prise ou non sur la base de ce contenu.

[3] [1988] 2 RCS 712 [Ford RCS].

[4] Voir Hak c Procureure générale du Québec, 2019 QCCS 2989 aux para 44-45 [Hak QCCS], citant Ford RCS, supra note 3 au para 32 : « L’article 33 établit des exigences de forme seulement et il n’y a aucune raison d’y voir la justification d’un examen au fond de la politique législative qui a donné lieu à l’exercice du pouvoir dérogatoire dans un cas donné. L’exigence d’un lien ou d’un rapport apparent entre la loi dérogatoire et les droits ou libertés garantis auxquels on veut déroger semble ouvrir la voie à un examen au fond car il semble exiger que le législateur précise les dispositions de la loi en question qui pourraient par ailleurs porter atteinte à des droits ou à des libertés garantis spécifiés. Ce serait exiger dans ce contexte une justification prima facie suffisante de la décision d’exercer le pouvoir dérogatoire et non pas simplement une certaine expression formelle de cette décision. Rien dans les termes de l’art. 33 ne permet d’y voir une telle exigence. […] »

[5] Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art 35, 2021 CSC 27 au para 51 : « to review exercises of public power for legality and to ensure that citizens are protected from arbitrary government action ».

[6] Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd, Cowansville, Yvon Blais, 2014, à la p 969 (d’autres parties de cet ouvrage ont été citées par le Procureur général): « XII-2.18 – La dérogation expresse a pour conséquence certaine d’empêcher les tribunaux de juger la loi inconstitutionnelle en raison de la Charte. Il est plus difficile, cependant, de savoir si elle empêche les tribunaux d’interpréter la loi en tenant compte de la Charte. […] » (nous soulignons).

[7] Voir Gosselin c Québec (Procureur général), 2002 CSC 84 au para 95 (McLachlin, juge en chef, parlant de l’art. 52 de la Charte québécoise).

[8] Voir Trial Lawyers Association of British Columbia c Colombie-Britannique (Procureur général), 2014 CSC 59, au para 40 : « En présence d’un texte de loi qui nie effectivement à des gens le droit de soumettre leurs différends aux tribunaux, les inquiétudes concernant le maintien de la primauté du droit n’ont rien d’abstrait ou de théorique.  Si les gens ne sont pas en mesure de contester en justice les mesures prises par l’État, ils ne peuvent obliger celui-ci à rendre des comptes — l’État serait alors au-dessus des lois ou perçu comme tel.  Si les gens ne sont pas en mesure de saisir les tribunaux de questions légitimes, cela gênera la création et le maintien de règles de droit positif, car les lois ne seront pas appliquées.  Et cela risquera d’altérer l’équilibre entre le pouvoir de l’État de faire et d’appliquer des lois et la responsabilité des tribunaux de statuer sur les contestations de ces lois par des citoyens : Christie c. British Columbia (Attorney General), 2005 BCCA 631, 262 D.L.R. (4th) 51, par. 68-69, la juge Newbury. ».

[9] L’Alliance de la Fonction Publique du Canada (un intervenant) a également abordé cette question. Voir Hak QCCS, supra note 4 aux para 775–76.

[10] Citant Mouvement laïque québécois c Saguenay (Ville), 2015 CSC 16 aux para 76, 78, 80 [Saguenay].

[11] Ibid au para 119 : « Je réitère qu’il est ici question de l’adhésion de l’État, par l’entremise de ses représentants agissant dans l’exercice de leurs fonctions, à une croyance religieuse. L’État, faut-il le préciser, n’a pas de liberté de croire ou de manifester une croyance; le respect de son obligation de neutralité n’implique pas d’exercice de conciliation des droits. Par contre, il va de soi que les représentants de l’État, lorsqu’ils n’agissent pas en cette qualité, ne sont pas tenus aux mêmes restrictions au regard de leur propre liberté de conscience et de religion. Si ces représentants n’ont pas le droit d’user des pouvoirs publics de façon à professer leur croyance, cette conclusion n’affecte pas par ailleurs leur droit à cette liberté à titre personnel ».

[12] Voir Hak QCCS, supra note 4 au para 1098.

[13] Ktunaxa Nation c Colombie-Britannique (Forests, Lands and Natural Resource Operations), 2017 CSC 54 au para 71 [Ktunaxa] : « L’obligation imposée à l’État par l’al. 2a) [liberté de religion] ne consiste pas à protéger l’objet des croyances ».

[14] Ibid au para 61 : « Lorsqu’un intéressé fait valoir qu’une mesure législative ou une action de l’État viole sa liberté de religion, la première étape consiste à juger si l’allégation relève de l’al. 2a). Dans la négative, il n’est pas nécessaire de chercher à savoir si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée de la liberté de religion et d’autres facteurs : Amselem, par. 181 ».

[15] Voir Ktunaxa, supra note 13 au para 72, citant Syndicat Northcrest c Amselem, 2004 CSC 47 au para 50 : « L’élargissement de l’al. 2a) proposé par les Ktunaxa exposerait les croyances intimes profondes au contrôle des tribunaux. Statuer sur la protection exacte dont doit bénéficier un esprit reviendrait à obliger l’État et ses tribunaux à juger de la teneur et du bien‑fondé de croyances religieuses. Dans Amselem, notre Cour a choisi de protéger toute croyance sincère au lieu d’examiner le bien‑fondé précis de croyances religieuses : “À mon avis, l’État n’est pas en mesure d’agir comme arbitre des dogmes religieux, et il ne devrait pas le devenir. Les tribunaux devraient donc éviter d’interpréter ― et ce faisant de déterminer ―, explicitement ou implicitement, le contenu d’une conception subjective de quelque exigence, « obligation », précepte, « commandement », coutume ou rituel d’ordre religieux. Statuer sur des différends théologiques ou religieux ou sur des questions litigieuses touchant la doctrine religieuse amènerait les tribunaux à s’empêtrer sans justification dans le domaine de la religion.”

(par. 50, le juge Iacobucci) ».

[16] Saguenay, supra note 10 au para 74.

[17] Voir Hak QCCS, supra note 4 aux para 475–584.

[18] Voir Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32, au para 24 : « l’article 52 ne définit pas de façon exhaustive le contenu de la Constitution du Canada : Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, par. 97‑100; Renvoi relatif à la sécession, par. 32. »

[19] L’ACD soutient dans son mémoire que l’Acte de Québec de 1774 et la Loi de 1852 reflètent et codifient collectivement des principes juridiques fondamentaux qui existaient avant la Charte. Plus précisément, ces principes juridiques fondamentaux étaient les suivants : (1) l'égalité des confessions religieuses aux yeux de la loi (2) la liberté originelle dont jouit toute personne d'être libre de toute profession religieuse forcée, et (3) l'absence d'une doctrine religieuse établie de l'État. Ces principes persistent à ce jour et, au minimum, continuent d'empêcher un gouvernement provincial d'imposer des observances sectaires comme condition de participation à la fonction publique.

[20] « Avant l’adoption de la Charte, la Cour suprême du Canada et d’autres tribunaux reconnaissaient certaines limites à l’autorité législative en matière de religion, découlant à la fois du respect des droits fondamentaux et intrinsèques et des implications nécessaires du texte et de la structure constitutionnelle du Canada. Bien que les articles 2 et 15 de la Charte affirment également ces principes, ils n'en sont pas les seules sources ni les sources exhaustives.

Les protections constitutionnelles se chevauchent souvent; elles ne sont pas « séparées » ou « distinctes ». Ainsi, même si l’article 33 peut être invoqué pour suspendre un niveau de protection constitutionnelle (c’est-à-dire, celui offert par les articles 2 et 15 de la Charte), il ne s’ensuit pas que l’article 33 peut suspendre toutes les protections constitutionnelles liées au même sujet. En fait, l’article 31 énonce le contraire et garantit que les limites constitutionnelles antérieures à 1982 ne sont pas assujetties à l'article 33, même si elles chevauchent des protections de la Charte qui le sont.

Comme nous le verrons plus loin, l’une de ces limites préexistantes concerne l’égalité juridique des groupes confessionnels à exercer librement leur religion dans l’ensemble du Dominion du Canada, ce qui implique nécessairement l’absence d’observance forcée d’une religion majoritaire. Une autre limite était que les provinces n’avaient pas compétence pour réglementer la religion à des fins uniquement religieuses (ou, dans le cas présent, à des fins irréligieuses). Enfin, en vertu de notre Constitution, le Canada n’a pas de religion (ou d’irréligion) nationale établie, et le texte constitutionnel ne confère pas aux gouvernements provinciaux ou fédéral le pouvoir d'en créer une unilatéralement. » (Citations omises. Emphase ajouté en caractères gras ; soulignements dans l’original).

[21] Voir Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict, c 3, Préambule : « Considérant que les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une Union Fédérale pour ne former qu’une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni […] » (nous soulignons).

[22] Voir McKinney c Université de Guelph, [1990] 3 RCS 229 à la p 261 (par le juge La Forest).

[23] Hunter c Southam Inc, [1984] 2 RCS 145 à la p 156 (par le juge Dickson, au nom de la Cour).

[24] R c Big M Drug Mart Ltd, [1985] 1 RCS 295 à la p 306 (par le juge Dickson, au nom de la majorité) [Big M], citant R v Big M Drug Mart Ltd, 1983 ABCA 268 au para 10 (par le juge Laycraft, au nom de la majorité) : « [l]a Charte ne vise pas à effectuer une redistribution des pouvoirs législatifs du Canada. C’est d’ailleurs ce qui ressort de son art. 31 qui [le] prévoit expressément ».

[25] Hak QCCS, supra note 4 au para 367 : « Il ne fait aucun doute que l’objet de la Loi 21 vise un objet religieux, en l’occurrence non seulement l’effacement dans un certain espace public de la religion, mais également, entre autres, l’interdiction dans certaines situations pour l’État de contracter avec un juriste qui porte un signe religieux ».

[26] Saumur v City of Quebec, [1953] 2 RCS 299 à la p 329 [Saumur] : « […] the dimensions of this [religious] interest are nationwide; […] it appertains to a boundless field of ideas, beliefs, and faiths with the deepest roots and loyalties; a religious incident reverberates from one end of the country to the other […] ». Big M a aussi établi qu’une loi ayant un objectif religieux relève de la compétence fédérale et non provinciale, puisqu’elle « vise à préserver l’ordre et la moralité publics » (supra, note 24 à la p 354).

[27] Saumur, supra note 26 à la p 371 (par le juge Locke) et 346 (par le juge Kellock).

[28] Chaput v Romain, [1955] RCS 834 à la p 840 : « Dans notre pays, il n’existe pas de religion d’État. Personne n’est tenu d’adhérer à une croyance quelconque. Toutes les religions sont sur un pied d’égalité, et tous les catholiques comme d’ailleurs tous les protestants, les juifs, ou les autres adhérents des diverses dénominations religieuses, ont la plus entière liberté de penser comme ils le désirent. La conscience de chacun est une affaire personnelle, et l’affaire de nul autre. Il serait désolant de penser qu’une majorité puisse imposer ses vues religieuses à une minorité » (nous soulignons).

[29] Saumur, supra note 26 à la p 359. Ce passage a été cité par une majorité de la Cour suprême dans l’affaire Scowby c Glendinning, [1986] 2 RCS 226 aux para 6, 8, pour le principe selon lequel « la province n’est pas compétente pour porter atteinte à une liberté ou à un droit de la personne lorsque la disposition législative est à bon droit considérée comme relevant d’un chef de compétence fédérale exclusive [...] ».

[30] La Loi de 1852 prévoit ce qui suit : « Whereas the recognition of legal equality amongst all Religious Denominations is an admitted principle of Colonial Legislation: And whereas in the state and condition of this Province, to which such a principle is peculiarly applicable, it is desirable that the same should receive the sanction of direct Legislative Authority recognizing and declaring the same as a fundamental principle of our civil polity: Be it therefore declared and enacted […] That the free exercise and enjoyment of Religious Profession and Worship, without discrimination or preference, so as the same be not made an excuse for acts of licentiousness, or a justification of practices inconsistent with the peace and safety of the Province, is by constitution and laws of this Province allowed to all Her Majesty’s subjects within the same» [nous soulignons].

[31] Saumur, supra note 26 aux pp 345–46 : « It would therefore appear plain from all this legislation that, commencing with the statute of 1774, the phrase "property and civil rights" did not include the right to the exercise and enjoyment of religious profession, that being a matter the subject of special provision in each case, and, by the statute of 1852, made a fundamental principle of the constitution of the entire country » [nous soulignons].

[32] Le Plan de plaidoirie de l’ACD cite Ontario (Attorney General) v Canada Temperance Federation, [1946] 2 DLR 1 à la p 5, 85 CCC 225 (PC R-U) : « the true test must be found in the real subject matter of the legislation: if it is such that it goes beyond local or provincial concern or interests and must from its inherent nature be the concern of the Dominion as a whole […] then it will fall within the competence of the Dominion Parliament as a matter affecting the peace, order and good government of Canada. »

[33] Big M, supra note 24 à la p 354.

[34] R c Morgentaler, [1993] 3 RCS 463 à la p 504 : « Certes, on a reconnu une certaine autorité aux provinces en matière de “bonnes moeurs”, mais, de toute évidence, l’exercice d’un tel pouvoir doit être solidement ancré dans un chef de compétence provincial distinct : Rio Hotel Ltd. c. Nouveau‑Brunswick, précité, aux pp. 71 à 80; Procureur général du Canada et Dupond c. Ville de Montréal, [1978] 2 R.C.S. 770; R. Pepin, “Le pouvoir des provinces canadiennes de légiférer sur la moralité publique” (1988), 19 R.G.D. 865; Procureur général du Canada c. Law Society of British Columbia, [1982] 2 R.C.S. 307, à la p. 364. » Voir aussi Nova Scotia Board of Censors v McNeil, [1978] 2 RCS 662 à la p 683.

[35] Voir Siemens c Manitoba (Attorney General), 2003 CSC 3 aux para 29–32, citant Rio Hotel Ltd c Nouveau-Brunswick (Commission des licences et permis d’alcool), [1987] 2 RCS 59. Voir aussi R c Morgentaler, supra note 34.

[36] Canadian Association of Fire Bomber Pilots et al v Saskatchewan et al, 1993 CanLII 6710 (SK QB).

[37] Saumur, supra note 26 à la p 356; Voir aussi Big M, supra note 24.

[38] En faisant référence à l’arrêt Le procureur général de l’Ontario c SEFPO, [1987] 2 RCS 2 [SEFPO].

[39] Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32 au para 48.

[40] SEFPO, supra note 38 à la p 40.

[41] L’article 6 de la Loi 21 prévoit ce qui suit : « Le port d’un signe religieux est interdit dans l’exercice de leurs fonctions aux personnes énumérées à l’annexe II. Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef, qui est : (1) soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse; (2) soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse. » L’article 8 de la Loi 21 prévoit ce qui suit : « Un membre du personnel d’un organisme doit exercer ses fonctions à visage découvert. De même, une personne qui se présente pour recevoir un service par un membre du personnel d’un organisme doit avoir le visage découvert lorsque cela est nécessaire pour permettre la vérification de son identité ou pour des motifs de sécurité. La personne qui ne respecte pas cette obligation ne peut recevoir le service qu’elle demande, le cas échéant. Pour l’application du deuxième alinéa, une personne est réputée se présenter pour recevoir un service lorsqu’elle interagit ou communique avec un membre du personnel d’un organisme dans l’exercice de ses fonctions. »

[42] L’article 28 de la Charte canadienne prévoit ce qui suit : « Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes. »

[43] Les parties opposées à la Loi 21 sur cette question ont cité les débats parlementaires pour appuyer cet argument. Le Procureur général a critiqué leur recours aux débats et a argumenté que la pertinence de ceux-ci est minime.

[44] Voir Hak QCCS, supra note 4 au para 803 : « De plus, il ne fait aucun doute que le principe d’interdiction du port d’un signe religieux découle du port de celui-ci par les femmes de confession musulmane. D’une part, avant la présence plus marquée de cette pratique dans l’espace public, on ne retrouve aucune préoccupation tangible à ce sujet dans le discours social. D’autre part, le port de signes religieux par les femmes musulmanes constitue une des causes de l’adoption de la Loi 21 notamment parce que certains les qualifient de symbole de soumission de la femme envers l’homme. »

[45] Voir Hak QCCS, supra note 4 aux para 801–807, 996.

[46] En citant l’arrêt Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c G(J), [1999] 3 RCS 46 au para 112.

[47] Assoc des femmes autochtones du Canada c Canada, [1994] 3 RCS 627.