Appel de la Loi 21 : L’ACD intervient en faveur de l'égalité religieuse

Appel de la Loi 21 : L’ACD intervient en faveur de l'égalité religieuse

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4 novembre 2022

Montréal, QC – Dès le lundi 7 novembre, la Cour d’appel du Québec entendra la contestation constitutionnelle du projet de loi 21 du Québec. L’Alliance des chrétiens en droit (ACD), l’association nationale de professionnels du droit chrétiens, a été autorisée à intervenir dans le litige.

La Loi 21 vise à promouvoir la « laïcité » de l’État en interdisant le port de signes religieux pour un certain nombre de professionnels du secteur public — y compris les avocats qui travaillent pour le gouvernement provincial ou qui sont sous contrat avec celui-ci.

Depuis l’introduction de la Loi 21, l’ACD a dénoncé le fait que cette loi exclut les avocats ouvertement religieux, et d’autres, de la fonction publique. En effet, l’un des demandeurs dans le litige contre la Loi 21 est un musulman pratiquant qui ne peut pas exercer la profession de procureur au criminel sous l’effet de la loi (voir Hak c Procureur général du Québec, 2021 QCCS 1466, au para 64).

Derek Ross, directeur exécutif et avocat général de l’ACD, explique :

« La Loi 21 oblige les personnes croyantes à réprimer leur identité religieuse comme condition préalable à la participation à la fonction publique. La Cour supérieure du Québec a qualifié cela de cruel et de déshumanisant, à juste titre, et a reconnu que ces interdictions envoient un message nuisible : que les personnes croyantes ne sont pas les bienvenues pour participer sur un pied d’égalité à la sphère publique, à moins qu’elles ne cachent le fait qu’elles sont religieuses. Il ne s’agit pas du tout de « neutralité » religieuse, mais de discrimination antireligieuse. La Loi 21 mine donc un pilier fondamental de notre société libre et démocratique : le droit de chacun de s’identifier ouvertement et publiquement comme religieux ».
— Derek Ross

Les arguments de l’ACD à titre d’amie de la cour

En adoptant la Loi 21, le gouvernement du Québec a invoqué la disposition de dérogation (ou la clause nonobstant) de la Charte (art 33), ce qui permet à une loi de s’appliquer « nonobstant » le fait qu’elle porte atteinte à certains droits garantis sous la Charte, dont la liberté de religion (art 2) et le droit à l’égalité sans discrimination fondée sur la religion (art 15).

Cependant, l’intervention de l’ACD explique que certains aspects de la liberté de religion et de l’égalité religieuse ne peuvent être annulés par la clause dérogatoire de la Charte (article 33), car elle-même est limitée par d’autres dispositions constitutionnelles, comme l’article 31 de la Charte. Robert Reynolds, avocat montréalais et ancien président de l’ACD, qui présentera des observations orales à la Cour au nom de l’ACD, explique :

« La Charte a été adoptée afin de restreindre – et non élargir – le pouvoir du gouvernement en matière de droits de la personne. La liberté de religion – et le devoir corollaire de l’État de respecter celle-ci – était constitutionnellement reconnue au Canada bien avant la promulgation de la Charte. Si certains éléments fondamentaux de la liberté de religion ne pouvaient être annulés avant la Charte, ils ne peuvent certainement pas l’être maintenant, en vertu de la Charte. »
— Robert Reynolds

L’article 31 de la Charte stipule que « [l]a présente charte n’élargit pas les compétences législatives de quelque organisme ou autorité que ce soit ». Le mémoire de l’ACD (voir ci-dessous) explique que l’article 31 est pertinent d’au moins deux façons.

1.     Premièrement, il précise qu’aucun gouvernement ne peut invoquer la Charte pour adopter une loi qu’il n’avait pas le pouvoir d’adopter avant l’introduction de la Charte.

2.     Deuxièmement, il précise que la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, accordée par les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, demeure inchangée et ne peut être annulée par la clause dérogatoire.

Sur le premier point, l’ACD affirme que des éléments de certaines protections de base ont toujours été indérogeables, notamment la liberté contre l’observance religieuse (ou irréligieuse) sous contrainte et le droit de toutes les communautés confessionnelles d’exercer leur religion sur un pied d’égalité avec les autres. Ces principes sont préservés par l’article 31 et empêchent un gouvernement d’imposer des observances sectaires à titre de condition préalable à la participation à la fonction publique.

Sur le deuxième point, l’ACD soutient que la Loi 21 porte atteinte au partage constitutionnel des pouvoirs parce qu’elle traite directement de l’observance religieuse et de la moralité publique ; cela relève de la compétence fédérale, et non provinciale. De plus, la Loi 21 viole la liberté de certaines minorités religieuses au Québec, qui est une question d’intérêt national et non une affaire de nature purement locale ou privée. Comme le conclut l’ACD dans son mémoire :

« La Loi 21 n’interfère pas incidemment avec la religion dans la poursuite d’un autre objectif légitime. Il réglemente la religion dans le seul but de l’effacer, du moins dans certains lieux publics. Un objectif  législatif  qui  ne  peut  être  atteint  qu’en  privant  les citoyens de leurs droits fondamentaux en matière de religion et d’égalité n’est pas un objectif légitime. La libre expression religieuse était reconnue comme une composante intégrale de la société canadienne bien avant la Charte.

Les gouvernements peuvent parfois être justifiés de réglementer certains actes qui ont une dimension religieuse par le biais d’une législation compétente. Mais exclure catégoriquement les identités religieuses des institutions publiques – uniquement parce qu’elles sont visiblement religieuses – est une tout autre affaire. Il est douteux qu’un gouvernement puisse jamais le faire, mais l’ACD soutient qu’une province ne peut pas le faire unilatéralement – ni avant ni après la Charte. »

À propos de la décision en appel : Hak c Procureur général du Québec, 2021 QCCS 1466

L’an dernier, le juge Blanchard de la Cour supérieure du Québec a conclu que la clause nonobstant protégeait une grande partie du projet de loi 21 d’un examen fondé sur la Charte et a donc largement maintenu la loi sur cette base (à quelques exceptions près). Cependant, il a exprimé des profondes réserves au sujet de la législation. Par exemple, il a noté qu’obliger les individus à choisir entre leurs convictions religieuses et leur travail était une « conséquence cruelle qui déshumanise les personnes visées », et que leur interdire de porter un signe religieux revient à leur nier « l’un de fondement même de leur être » (paras 69 et 1098).

Cliquez ici pour l’analyse de l’ACD de la décision du juge Blanchard concernant la Loi 21, qui est portée en appel devant la Cour d’appel du Québec, dont les audiences débutent le 7 novembre.

Pour savoir plus au sujet du travail de représentation et de l’engagement public de l’ACD concernant la Loi 21, veuillez visiter https://www.christianlegalfellowship.org/bill21.

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Pour obtenir des renseignements supplémentaires, veuillez contacter :

Vivian Clemence
Conseillère juridique associée, Alliance des chrétiens en droit
vclemence@christianlegalfellowship.org

 

 

 

Lire le mémoire de l'ACD ci-dessous:

Version officielle:

Traduction anglaise nonofficielle:

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